Série MASC : une entrevue avec Le R Premier, fondateur du projet Scribes & Griots
Par Jessica Ruano | janvier 6, 2022
Cette entrevue a été originellement publiée sur Le Pressoir
Fondé par l’artiste Le R Premier, le projet Scribes & Griots a pour mission de connecter le futur au passé en renforçant les liens intergénérationnels, à travers la transmission des expertises et savoirs culturels. Outre ses différentes initiatives telles que le Festival Planète Urbaine, la programmation des Pique-niques de la Francophonie et Africain dans le cadre du Festival Franco-Ontarien ainsi que « La diffusion dans toute sa diversité » avec Réseau Ontario, le projet œuvre à l’enrichissement de la mémoire collective de l’humanité par le biais d’actions de vulgarisation. Scribes & Griots est engagé auprès de la communauté et propose une variété d’ateliers, de conférences ou de consultations sur des thématiques liées à la diversité des expressions culturelles.
Le R Premier nous parle ici de la collaboration avec les jeunes et du rôle des arts dans la lutte contre le racisme.
Jessica : Félicitations pour le lancement de ton vidéo-poème « Lettre ouverte » en collaboration avec le réalisateur Randy Kelly! Le poème est un appel à l’action pour mettre fin au racisme, et la vidéo comprend de nombreuses personnes qui récitent tes mots. Que signifie ce choix de direction?
Le R Premier : Merci! C’est un texte qui nous invite à considérer le racisme comme notre ennemi commun et à le traiter comme tel. Dans un sens plus large, la lettre propose une vision humaniste qu’on peut facilement appliquer à toutes les formes de discriminations.
Lorsque Randy l’a lue, il m’a tout de suite contacté avec le souhait d’en faire un vidéo-poème. Nous avons alors échangé nos idées et nous avons vite compris que cette direction serait la plus éloquente. Ce n’est effectivement qu’ensemble que nous arriverons à vaincre les inégalités. Autour de ce projet, nous sommes avant tout humains, unis dans la diversité de nos identités et c’est justement cette union qui amplifie notre message. Un message d’autant plus important qu’on vit dans un contexte où tout semble nous diviser.
Le travail de réalisation qu’a fait Randy est extraordinaire. C’est un vidéo-poème à voir et à partager dans la mesure où il touche votre sensibilité et résonne avec vous. En tout cas, j’espère qu’il saura trouver un écho favorable.
Jessica : Comment penses-tu que les arts peuvent contribuer à la lutte contre le racisme?
Le R Premier : Les arts peuvent être purement esthétiques, mais ils peuvent également être un outil puissant et efficace pour le progrès social. S’il est vrai que la culture est le miroir de la société, en plus de dénoncer les injustices, les arts se doivent avant tout d’incarner eux-mêmes les transformations positives qu’on aimerait voir dans le monde. Ils jouent un rôle important dans la perception publique des enjeux. Ils peuvent susciter l’exaspération mais aussi faire évoluer les mentalités. Nous sommes d’accord que les arts ne résoudront pas à eux tous seuls les discriminations, cependant ils ont le pouvoir de déclencher et de nourrir les mutations idéologiques profondes qui serviront de fondements pour une société plus juste. Les arts sont un excellent baromètre pour nous indiquer si nous allons dans la bonne direction ou pas. Ils sont extrêmement précieux.
Jessica : Comme artiste MASC, quel est l’avantage d’offrir tes ateliers et spectacles dans les écoles et dans la communauté?
Le R Premier : À titre d’exemple, j’ai eu l’occasion de prendre part à plusieurs reprises au Festival Awesome Arts – Arts en Folie organisé par MASC. C’est une expérience absolument extraordinaire dans le sens où elle permet de mettre à la disposition des participants l’encadrement, les outils et les plateformes nécessaires pour exprimer de manière créative les enjeux qui leur sont importants. C’est un bel exemple de comment les arts peuvent apporter de la vitalité et contribuer à renforcer le tissu social au sein des communautés.
La culture est sans aucun doute un facteur de développement. Il est nécessaire de continuer à s’investir dans la transmission des savoirs et des savoir-faire culturels à travers ce type d’initiatives. C’est dans cette optique que le travail que nous faisons dans les écoles et la communauté a pour moi une grande importance.
Jessica : Tu as travaillé avec MASC en tant que Le R Premier, mais tu représentes maintenant Scribes & Griots. En quoi cela change-t-il ce que vous allez offrir au programme?
Le R Premier : Depuis sa création en 2011, Scribes & Griots oeuvre à valoriser la diversité des expressions culturelles. Le choix de poursuivre notre travail par son entremise vient du souhait d’élargir l’horizon des possibilités et d’avoir un impact plus grand avec nos programmes. À travers Scribes & Griots, je suis convaincu que nous serons en mesure de naviguer un espace culturel beaucoup plus large, d’aller encore plus en profondeur dans notre exploration et d’offrir des expériences plus riches.
Jessica : Pourquoi penses-tu qu’il est important pour nos communautés d’avoir accès aux artistes professionnels?
Le R Premier : Connecter les artistes professionnels aux communautés contribue à dynamiser ce qu’on peut appeler le « cercle culturel vertueux ». Les artistes sont le fruit de la communauté, alors je crois que pour que le développement artistique soit plus durable il serait bien que l’art retourne de plus en plus enrichir les communautés, non seulement en semant des graines qui feront germer les grands artistes de demain, mais également en contribuant activement à créer une société où l’expression, la créativité et l’innovation sont valorisées.
Jessica : Vos programmes en ligne avec MASC explorent le « Beatmaking » ainsi que l’art d’écrire des passages poétiques. Quels sont les thèmes qui apparaissent dans la poésie des jeunes? En d’autres termes, selon toi, qu’est-ce qui est important pour les jeunes d’aujourd’hui?
Le R Premier : Les thèmes qui ressortent le plus souvent du travail avec les jeunes semblent s’articuler autour de trois axes : la justice sociale, la coopération et l’environnement. C’est rassurant à voir et c’est un signe qu’il faut continuer d’entretenir et de développer ces valeurs auprès de la jeunesse. Il serait bien d’entretenir le dialogue et de les écouter afin de mieux les outiller à relever les défis que l’avenir leur réserve.
C’est aussi en cela que le travail que nous faisons est important. Nous mettons en place des dispositifs à travers lesquels les préoccupations des jeunes et des communautés sont articulées et rendues plus visibles ou plus audibles.