Série MASC : une entrevue avec Créations In Vivo
Par Jessica Ruano | janvier 6, 2022
Cette entrevue a été originellement publiée sur Le Pressoir
Créations In Vivo est un organisme artistique voué à la création d’œuvres nouvelles à partir de textes, de poèmes, de concepts esthétiques ou artistiques. Les membres de l’organisme offrent également de la formation, ce qui leur permet chaque année de parcourir l’Ontario pour donner des ateliers dans les écoles secondaires grâce au programme « Artistes aux 4 coins ». Leurs productions conviennent naturellement à différents publics selon leurs démarches artistiques. Les membres des Créations In Vivo contribuent à l’émergence d’une relève artistique talentueuse qui saura en intéresser plus d’un aux arts de la scène et, donc, à la vitalité culturelle francophone.
Dans cette entrevue de la série MASC, le fondateur Stéphane Guertin et le directeur artistique Éric Perron parlent de leur approche, de création artistique et du partage théâtral.
Votre mandat vous définit comme un organisme artistique voué à la création d’œuvres uniques qui fusionnent les visions, les cultures et les individus. Il existe une tendance à diviser la pratique artistique en fonction de la discipline. Quels avantages voyez-vous dans une approche multidisciplinaire?
Éric : Le théâtre étant déjà un art pluridisciplinaire, il s’enrichit encore davantage lorsqu’il se mêle et se frotte à d’autres formes d’art ou de traditions. C’est pour cette raison qu’il n’est pas rare de voir dans nos spectacles de la danse, du cirque, de la marionnette ou de la chanson. Il en va de soi pour nous que nos spectacles intègrent d’autres formes d’art, parce que chaque forme d’expression artistique a ses propres codes qui nous permettent de mieux articuler et d’enrichir notre travail. Ces réflexions sont au cœur de notre travail, et nous permettent de nous surprendre et d’aller là où nous ne n’y attendions pas.
Créations In Vivo a été fondée en 2007 et dès 2008 (et encore en 2009, 2012 et 2019!), vous avez remporté le prix Coup de foudre scolaire de Réseau Ontario, un prix qui vous a permis de faire une tournée dans les écoles de l’Ontario français. Vous attendiez-vous à ce succès rapide? Comment avez-vous géré la suite?
Stéphane : Bien sûr, on ne s’attendait pas à ce succès presque instantané! C’était une bien heureuse surprise qui comportait son lot de défis. Il a fallu rapidement développer des protocoles et structurer les opérations de la compagnie pour répondre à la demande. Cela s’est fait en discutant avec d’autres organismes similaires et en prenant des formations en gestion. Les premières années ont été folles, surtout que l’organisme n’avait pas encore les bases financières pour avoir du personnel administratif à temps plein. Je me rappelle la tournée de La pluie de bleuets où il fallait faire signer plus d’une centaine de contrats aux écoles par télécopieur, à l’époque! Le jour, j’étais en représentation et la nuit, je travaillais sur les contrats!
Vous avez collaboré sur plusieurs productions internationales avec des artistes situés dans d’autres régions du monde. La pandémie nécessitant des interactions en ligne, quels sont les défis et les occasions qui vous ont été présentés en travaillant avec des artistes locaux et internationaux?
Stéphane : Le principal défi lorsqu’on développe un projet sur plusieurs continents est de comprendre la manière de travailler de chacun et de trouver un terrain commun. Il faut aussi comprendre les réalités de chacun, entre autres avec les technologies de communication, et s’ajuster. Par exemple, lorsque nous avons travaillé le spectacle La neige, c’est quoi?, une partie de l’équipe de création était au Burkina Faso, une autre en France et nous étions ici, au Canada. Les connexions internet n’étaient pas toujours suffisantes sur le continent africain pour faire des sessions de travail vidéo. Il a donc fallu trouver des moyens d’avancer sur le projet par d’autres moyens. On perd parfois un peu de rapidité, mais on gagne un peu de réflexion au cours de la création.
Pourquoi pensez-vous qu’il est important pour notre communauté locale d’avoir accès à des artistes professionnels?
Éric : Parce que les artistes professionnels d’ici sont les meilleures portes d’entrée sur les arts de la scène. Ce sont aussi les mieux placés pour transmettre leurs connaissances aux jeunes qui sont nos futurs artistes et publics. Quoi de mieux que de recevoir une formation directement des meilleurs!
Enfin, la rencontre des jeunes avec leurs artistes professionnels locaux leur démontre clairement qu’il est possible pour eux aussi de devenir artistes professionnels en français dans leur communauté et de déjà se familiariser avec les rouages de base de ce métier.
Stéphane : Tout adulte qui travaille avec les élèves devient un modèle qui peut les aider à former leur propre identité. L’expérience artistique devient une expérience humaine, et tant mieux si on a pu inciter les élèves à s’intéresser aux arts, à la culture francophone et au dépassement de soi.
En tant que membre de MASC, que gagnez-vous à proposer vos ateliers dans les écoles et dans la communauté?
Éric : Les ateliers que nous proposons aux écoles sont pour nous une façon de créer des ponts entre notre communauté et nos artistes. C’est aussi une façon pour nous d’exposer les jeunes à notre travail tout en sachant que dans certains cas, ce sera la première fois que les élèves seront exposés à cette forme d’art. Quand on revoit plus tard ces jeunes dans nos salles de spectacle, ça nous fait toujours plaisir! C’est aussi, enfin, une façon pour nous de remplir notre mission de faire vivre les arts de la scène en français, à Ottawa.
Stéphane : Ça fait maintenant une quinzaine d’années que j’offre des formations dans les écoles. J’ai eu la chance de voir grandir certains élèves qui étaient, à l’époque, timides et réservés et qui, maintenant, ont des carrières artistiques très intéressantes. C’est assez formidable comme métier de sentir qu’on peut faire une différence dans la vie de quelqu’un… et même d’en voir le résultat quelques années plus tard!